Regards
Les yeux tournés vers le haut : nos esprits vagabondent mille mètres au-dessus, parcourant la succession de bosses et de pointes reliées par des crêtes que l’on aimerait tant parcourir…nos objectifs seront plus modestes !
Damodar Kunda
Le givre brille sur les tentes ; l’onglée saisit les
doigts ; une petite gangue de glace recouvre les cailloux dans le gué de
la rivière… Nous quittons la gorge profonde où nous avons passé la nuit. Il
faut pousser fort sur les bâtons pour gravir la pente escarpée ; nos
doigts souffrent du froid malgré les gants trop peu épais ; les narines
piquent, notre bouche recouverte d’un foulard recherche l’air qui menace nos
bronches. Les heures s’étirent sans nous puissions nous éloigner du campement
précédent ; ce matin, nous n’avançons pas, nous nous élevons… le temps
passe encore pour sortir de cette gorge labyrinthique et retrouver enfin tout
là-haut le soleil du midi.
La marche reprend, cadencée par le son des impacts des pieds
et bâtons sur le sol dur et aride ; l’après-midi passe à vouloir compenser
les heures matinales. Des cimes enneigées émergent ça et là au-dessus des monts
délabrés qui nous entourent ; puis apparaît un paysage aux couleurs
népalaises : le lac vert, la neige blanche, nos tentes jaunes et quelques
petits points rouges qui circulent au bas des pentes.
C’est notre prochain bivouac, notre camp installé pour un
repos très mérité.
Présences
Une marmotte observe nos allers et retours jusqu'au seul
filet d’eau ; les choucas et grands corbeaux attendent notre départ pour
quelques restes à picorer ; un gypaète, seigneur des lieux, nous offre
l’une de ses plumes en souvenir de lui ; mais aussi pour nous rappeler que
ces lieux ne nous appartiendront jamais.
Les moraines
Pose le pied sur un caillou, un petit, un gros, un
moyen ; respire !
Pose le pied sur un caillou, un gros, un moyen ; pousse
sur tes bâtons ; respire !
Pose le pied sur un caillou, un moyen, un petit… il roule,
rattrape-toi, respire !
Pose le pied sur un caillou…
Le passage
Entre tous les sommets de la montagne, quel est le bon
passage ? remonter une autre moraine ? redescendre vers une
autre ? Se fier à la carte locale, improbable avec ses erreurs et grands
manques ? S’engager dans le torrent qui mène aux séracs ?
Finalement les souvenirs d’un porteur népalais déjà passé là
sera bien plus… rassurant.
La voie des pénitents
Les grands pénitents blancs alignés face à face tracent une voie qu’il faut suivre. On comprend en la remontant qu’elle nous guide vers l’espace où nos yeux verront et comprendront : la logique de l’enchaînement des sommets qui forment la chaîne montagneuse, le glacier qu’il faudra traverser pour rejoindre le col. Les sentinelles immobiles scintillent sous les rais lumineux et surveillent en silence la procession des aspirants qui avancent vers leur but.
Saribung
Des efforts
Pour mon corps
Mais mon cœur
Est bonheur
Laissons nos rages
En ce passage
Saribung !