13.9.19

Marcheurs écrivains # 5

Olivier Delord dans « Traversée à 4 voix »

« Le petit d’homme apprend à marcher. La verticalité a réveillé nos muscles phonatoires, paraît-il. Langage et pensée peuvent éclore. Trois étapes motrices et mentales qui se rejouent pour chacun d’entre nous en écho au lent processus évolutif des hominidés. C’est dire si mouvement à pied et psyché sont, à l’origine, deux faces d’une même pièce… 



Nos sociétés accumulent, jusqu'à la verticalité. Les civilisations nomades vivent frugalement et ont le culte de l’horizon. Même si elles sont viscéralement attachées à la géographie sacrée qu’elles parcourent en boucle, elles obéissent à une nécessité vitale : faire paître le troupeau, trouver les points d’eau. Nous expérimentons l’ivresse d’un nomadisme d’emprunt qui peut paraître futile. Pourtant, chaque matin, regarder vers l’Est et lever le camp suffisent à remplir le cœur d’un homme. On est pauvre de besoins, sus au superflu. Ce qui reste est déjà trop lourd. Une scansion ponctue l’imprévu des jours sous forme de rituels. Plier son duvet et ranger son sac comme un automate à l’aube… Ouvrir la carte, lire le topo, vérifier sa route. Avaler un bol de semoule en milieu de journée. Le soir, faire un peu de lessive, se laver. Consigner la journée dans le journal. Étirer ses membres et ses pensées… Le nomade bricole pour compenser l’inconfort : un ordre discret se rétablit dans le quotidien.
Parfois, oui, nous sommes comme une caravane, avec des électrons libres qui s’y agrègent, les amis qui vous accompagnent un temps, et l’oasis des ravitaillements. Des sentiers s’exhalent fraternité et goût de l’inutile.
Les couloirs de nomadisme sont des traces millénaires. Toute l’humilité de la marche est là. Dans ce vivant miracle de suivre un chemin immémorial avec la fraîcheur d’une première fois. On s’est dénudé. Du coup, ce que l’on n’a pas cessé de transporter avec soi apparaît dans une lumière crue. 

En caressant de l’index notre parcours sur la mappemonde, ma poitrine se serre. Mille sensations remontent, une foule d’images. La carte est un outil de repérage à la précision scientifique. Le géomètre se satisfait de cette représentation astucieuse à deux dimensions du relief. Pour le passionné, un point côté, une courbe de niveau, une légende possèdent une charge poétique. Un nom de sommet convoque les strates d’une vie. Une clairière est une après-midi d’été, des lignes resserrées une bavante mémorable. Déplier une carte, c’est ouvrir des fenêtres de mémoires et d’ailleurs. Ouvrir la carte, c’est déplier du temps. »



6.9.19

Marcheurs écrivains # 4


Roger Pol-Droit : « Comment marchent les philosophes »


« La marche est primordiale pour définir l’humain dans l’évolution des espèces… Marcher debout sur deux jambes, c’est ce qui nous caractérise parmi toutes les espèces…. Cette déambulation bipède a libéré les mains et développé le cerveau. Mais cette marche se caractérise par un déséquilibre permanent !… 
Pour marcher, il faut s’incliner vers l’avant, et cette inclinaison devrait nous faire chuter, mais nous la rattrapons et la répétons pour avancer…
L’interrogation philosophique fonctionne selon le même processus. En effet il faut commencer par ébranler nos propres convictions, remettre en question nos évidences. Il faut se déstabiliser, faire un croche-pied aux certitudes, se rattraper avec des hypothèses. La marche et la pensée, c’est aussi un déséquilibre permanent et contrôlé. 

 Rousseau disait pour sa part : « la marche a quelque chose qui anime et active mon esprit ; je ne puis presque penser quand je reste en place ; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit. »

Lorsqu'on affirme qu’un enfant marche, qu’on demande si un patient récemment opéré peut marcher, qu’on espère qu’une personne âgée soit encore en mesure de marcher, personne n’envisage de randonnée ni de promenade. Chacun parle de ce simple déplacement debout, d’un point à un autre. Il faut y insister : il nous définit. 
Humains, nous sommes des « êtres marchants ». 
La marche peut définir l’humain tout autant que la parole et la pensée. Il est le seul, de tous les vivants, à se déplacer ainsi… il est curieux qu’on ait si peu repéré l’étroite parenté de la marche, la parole et la pensée. »



2.9.19

L'étoile




C’était un soir d’été
Un soir sous les étoiles
Elle avait presque 10 ans
Dix ans d’enfance pleine d’étoiles

Sous l’ébène diamanté
Sa patience s’agite
Ce soir sous les étoiles
Elle a presque 10 ans
Une étoile a filé
Sous l’ébène diamanté
Sa patience s’agite
Et l’étoile disparaît

Elle profite des lenteurs d’un soir en été
Pour voir cette lueur
Un instant dans la nuit
Une étoile a filé ce soir vivement
La patience s’agite de l’enfant 
pleine de rires

Une étoile a filé
Elle a vu son chemin
Un instant dans la nuit
Elle a vu son destin
Dans le ciel de sa vie

C’était un soir d’été
Un soir sous les étoiles
Elle avait presque 10 ans
Dix ans d’enfance pleine d’étoiles

Une étoile a filé
Une autre brille encore.

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