13.1.20

Marcheurs écrivains # 8

Jean Béliveau dans « L’homme qui marche » :

« Je plains les gens qui courent après le temps, l’argent et les superlatifs. Je souffre de ces « extrême », ces « super », ces « extra » affichés qui souillent le paysage et déforment notre rapport au temps.. J’ai le sentiment de marcher dans un monde de mensonges, au milieu d’êtres mutants. »

« …RIEN, c’est plein de RIEN et RIEN. L’absence existe, je la vois… je ne croise pas âme qui vive. A perte de vue, de la terre, de l’herbe jaunie, des arbustes. Il n’y a rien et pourtant, les terres bordant la route sont protégées par de solides clôtures barbelées, fermées par ders portails scellés de lourds cadenas. Dans les pays dits « développés », ce ne sont plus seulement les biens qu’on protège, mais le concept même de propriété ! Je marche des kilomètres sans trouver un endroit où planter ma tente, et je dois me résoudre à des actes délictueux pour pouvoir user de mon droit fondamental à dormir. Tout le monde s’en moque, de ce droit, dans les pays capitalistes. Il n’existe simplement pas, je l’ai souvent remarqué : il faut payer pour dormir. Si tu ne possèdes rien, le repos te sera interdit ! Symboliquement, cela me paraît d’une violence inouïe. » 


Nicolas Vanier :

« On ne prend pas la route, c’est la route qui vous prend, vous apprend…


(Marcher), c’est un acte de liberté, une démarche plus encore qu’une marche. De celles qui vous permettent d’appréhender un territoire en le caressant physiquement, sans laisser d’autres traces que celles que la pluie effacera et que la mémoire elle seule gardera. Le marcheur comprend le paysage, apprend, aime et protège. » 

1.1.20

Kariem

 

Je suis Kariem, le fuyard soudanais.



J’ai fui les tortionnaires. Alors j’ai traversé la mer.

Calais: la pluie et le ciel gris… 

je pleure en marchant, mon pays, ma famille.

La jungle: 

des tentes serrées, la boue, les racketteurs.

On paie pour partir.

Trentième tentative: un camion anglais. 

Il démarre. Mais pas vers le port. 

On crie mais il roule dans la nuit. 

Je saute, la douleur est violente, je m’évanouis. 

Réveil à l’hôpital.

Maintenant quelqu’un s’occupe de moi, 

je boîte mais je garde l’espoir : 

après tout, je ne suis pas bien, là?