18.8.17

Auprès de la vague...


Je l'observe, étonnée, cette eau inconnue ramassée dans la paume de ma main. Elle ne ressemble à aucune de celles que j'avais pu contempler jusqu'ici. 
Car chez moi, d'où je viens, on lutte pour l'avoir : la dompter tout d'abord lorsqu'elle se rue sur les villages familiaux du haut des massifs enneigés; la diriger ensuite sur les terres assoiffées où les hommes triment chaque jour pour creuser les sillons et canaux, les terrasses agricoles qui nourrissent nos familles; la porter des deux bras pour aller abreuver le bétail et les hommes. Et lorsqu'elle arrive aux abords des grandes villes, salie, rejetée, récupérée, raréfiée, l'éclat des neiges qui l'ont fait naître s'est à ce point terni qu'il ne reste plus au fond des ruaux et citernes qu'un mélange de liquides vaseux que je n'ose même plus avaler.

Mais ici la vague va et vient, caresse mes pieds, l'eau rafraîchit mes mains puis mon visage; et ce goût dans ma bouche, surprenant, persistant, ce sel déposé sur ma langue qui diffère des épices végétales auxquelles je suis habituée, ces éclats de lumière projetés vers le ciel dans les gerbes soulevées par mes pieds... tout cela me procure de nouvelles sensations, de nouveaux paysages à découvrir encore; ceux d'aujourd'hui sur cette plage bretonne, ceux de demain au-delà de cette ligne d'horizon que je n'avais jusqu'à présent jamais pu entrevoir.

J'enverrai à mes proches restés à l'autre bout du monde au pied des montagnes les images nouvelles de cette riche étendue.
Bien sûr, ils ne sauront rien des sensations qui me submergent, des ondulations de mon âme qui suivent celles des vagues, des envies de mouvements qui me prennent désormais...
Rester ou partir? Voyager plus loin encore? Aller et venir comme le font les marées? Que veux-tu, où vas-tu?

J'ai vingt ans et je suis loin, si loin… mais chez moi c'est là-bas, c'est ici, c'est partout;

…et cette eau qui scintille au creux de ma main!

Le Croisic, octobre 2015