Ce joli petit puy du Livradois au nom poétique me nargait chaque matin de cette semaine lorsque j'ouvrais les rideaux de ma fenêtre. Il alla jusqu'à m'envoyer deux chevreuils sous mon balcon pour me provoquer. Hier j'ai répondu à son appel malgré les suites impromptues d'averses, bourrasques et éclaircies. Une jolie petite randonnée (8 kms seulement) qui me demanda néanmoins près de trois heures à parcourir chemins, prairies, buissons et sous-bois, pierriers de blocs de basalte instables où je compris pourquoi les chevreuils quadrupèdes étaient venus me chercher.
7.11.21
6.9.21
Glacier
Crépuscule alpin
Mes
pas crissent au glacier gris
Oh!
Le bleu sérac !
Le
réchaud ronronne
La
toile claque sous le vent
J’allume
ma frontale
Gouttes
d’eau en rafales
Se
blottir sous le duvet
Et
ne plus bouger
20.5.21
Bivouac ligérien
Ce soir dans le lit de la Loire
Sur
la rive
Une
soyeuse pelouse
Les
dernières pépites de braises virevoltent
La
senteur des volutes de fumée
S’élève
des cendres
Des
ombres tressautent dans la lueur
Du
foyer qui s’éteint maintenant
Les
corps alanguis s’allongent tranquillement
Sous
les couches molletonnées d’un duvet protecteur
Dans
la nuit qui s’installe
Le
ciel et le fleuve s’unissent lentement
Les
mots se sont tus
Remplacés
par le doux hululement d’une chouette
Elle
apaise nos pensées
En
cette nuit sans lune
Mille
diamants étincellent
Sur
l’obscure draperie
Pépiements
et sifflets au petit matin
Un
concert joyeux s’élève au-dessus du campement
Le
pic-vert martèle son tronc d’arbre en guise de réveil
La
fraîcheur a mouillé l’herbe et les fleurs ressuscitées sur la
berge du fleuve
Pervenches
et myosotis
Pissenlits
et primevères
Émergent
vaillamment
Des
brins de verdure courbés sous les perles de rosée
L’édredon
des brumes matinales se retire peu à peu du lit de la Loire
Quelques
pas mènent vers un bois
Soudain
Le
craquement d’une branche
Un
chevreuil s’enfuit entre les arbres éclairés par les rais
lumineux
Une
légère sensation de chaleur revient sur les doigts engourdis et
orteils refroidis
Il
est temps de plier les affaires
Repartir
sur les routes et chemins
Emporter
avec nous les images de ce lieu rendu aux chevreuils
Leur
vie est ici
Chaumont-sur-Loire, printemps 2019
15.5.21
Le drapeau
Près de moi, une
jeune fille brandit le drapeau palestinien au plus haut qu’elle le
peut.
Elle écoute, crispée, l’intervention du militant qui égrène
les souffrances subies par les habitants de Gaza et Jérusalem:
expulsions et interdictions, insultes et lynchages. Depuis quelques
jours roquettes et missiles s’abattent indistinctement sur les
combattants et les civils, les manifestants et les familles, hommes,
femmes ou enfants.
Le drapeau oscille
au bout de ses bras, balancé par des rafales de vent. Elle résiste,
tenaillée entre sa fierté et ses muscles faiblissants. « Maman
c’est trop lourd ! » crie-t-elle subitement à la femme
placée entre nous. Je lui fais remarquer que la hampe de son drapeau
est bien gros. Mais sa mère me répond : « Oui, mais il
est solide ! ». Désignant le drapeau au-dessus de nous je
lui dis : « Alors, il flottera longtemps ». Deux
yeux étincellent sous le hidjab lorsqu’elle me
lance: « Inch’Allah ! »
Nos rires se mêlent
aux cris de la foule.
2.2.21
Marcheurs écrivains # 11
" Nos mobilités contemporaines se caractérisent par une forte hétérogénéité des systèmes, du point de vue de leur vitesse comme de leur impact énergétique et climatique. Nombre d'entre eux sont nés du processus d'industrialisation et d'urbanisation que nous connaissons depuis le XIXème siècle et demeurent marqués par une relation de dépendance étroite avec les sources d'énergie fossile, du chemin à vapeur à l'avion au kérosène. Aujourd'hui dominants dans les pratiques mesurées en distance parcourue, ils sont responsables d'une part importante des émissions mondiales de gaz à effet de serre tout en formant l'un des secteurs les moins susceptibles de basculer vers des sources d'énergie alternatives. Toutefois, on remarque que des formes de mobilité mineures, plus économes, coexistent, comme la marche ou le vélo...
La marche n'a donc pas disparu de nos pratiques... la marche est longtemps restée le mode dominant des mobilités rurales comme urbaines. Ce n'est qu'au XXème siècle qu'elle a cédé la place à d'autres. Elle demeure pourtant essentielle dans le jeu des mobilités contemporaines...
S'agit-il pour autant d'une technique ?... l'être humain possède bien une technique essentiellement fondée sur la maîtrise du léger déséquilibre assurant le déplacement d'une jambe sur l'autre. Mais, même dans ce cas, il est obligé de marcher sur la terre, le pavé, le bitume ou le sable. Et l'on touche là au point central qui rattache la marche aux autres modes : pour qu'il y ait marche, il faut qu'il y ait support. Comme dans tout système de déplacement, le support est bien souvent négligé, condamné par son immobilisme, alors qu'il tient une place centrale dans son fonctionnement. Sans chemin, comment progresser dans une forêt dès lors qu'elle est relativement dense ? Sans passerelle, comment traverser un cours d'eau ? Et sans trottoirs, comment cheminer dans la ville industrielle ?... La nécessité d'une infrastructure pour le piéton est à l'origine du mouvement de séparation des flux qui a marqué les villes industrielles. Les premiers trottoirs ont été conçus à Paris pour le nouveaux quartier de l'Odéon, à la veille de la Révolution française... La généralisation des trottoirs est devenue l'une des principales caractéristiques de la voierie qui se constitue au XIXème siècle...
Ce mouvement de séparation des flux a-t-il sauvé le piéton ou l'a-t-il relégué dans les marges de nos villes ? Les piétons sont supposés marcher sur les rives d'une voierie s'ils ne peuvent traverser qu'en certains endroits réputés protégés. Plus encore, des infrastructures nouvelles ont rendu la marche impraticable, de la ligne de chemin de fer du XIXème siècle à l'autoroute du XXème siècle. Ce faisant, elles ont capté l'essentiel des déplacements.
La marche assure pourtant encore une part importante des déplacements locaux : 22 % en France en 2008, date de la dernière mesure disponible... certaines configurations très denses permettent aux piétons de s'épanouir : à Paris intra-muros, la marche demeure le mode de déplacement dominant, représentant la moitié des trajets effectués, soit cinq fois plus que l'automobile...
Mode actif par excellente, la marche présente aussi une dimension de santé publique qui ouvre la voie à d'autres formes de monétarisation des effets des transports. Avec elle, les gains de temps ne se comptent plus à chaque trajet raccourci, mais se traduisent en des durées de vie allongées. Voici encore une autre raison de suivre la marche pour considérer autrement une écologie des modes de déplacement où les systèmes les plus archaïques ne sont pas nécessairement ceux que l'on croit. "
Arnaud Passalacqua
Extraits du livre " RĖTROFUTUR , une contre-histoire des innovations énergétiques "