dans « Petit traité sur
l’immensité du monde » :
« L'Etat étend son réseau de routes : la pieuvre de goudron
gagne. Le ciel devient petit : il y a des collisions d’avions. Pendant que
les TGV fusent, les paysans disparaissent. « Tout fout le camp »
disent les vieux qui ne comprennent rien. En fait, rien ne fout le camp, ce
sont les gens qui ne tiennent plus en place. Mais ce nomadisme là n’est qu’une
danse de Saint-Guy. »
« Il est (cependant) une autre catégorie de nomades : ils se
contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes, parfois en eux-mêmes. On
les croise sur les chemins du monde. Ils vont seuls avec lenteur, sans autre
but que celui d’avancer…
eux, ils se tissent un destin, pas à pas. Le
défilement des kilomètres suffit à donner un sens à leur voyage. Ils n’ont pas
de signes de reconnaissance, pas de rites. Impossible de les assimiler à une
confrérie : ils n’appartiennent qu’au chemin qu’ils foulent… leur unique
signe distinctif : ne pas supporter
que le soleil, à son lever, parte sans eux. »
« Depuis que j’observe les éleveurs de yacks du
Tibet, les cavaliers de Mongolie, les bergers afghans ou les sherpas du Kumbu…
j’en suis venu à la conclusion que le nomadisme est la meilleure échappée du
temps. Mon but n’est pas de le rattraper mais de parvenir à lui être
indifférent. »
" En réglant son compte à l'espace, le nomade freine la course les heures.
Peu lui importe que passent les instants puisque, obstinément, il les remplit
des kilomètres qu’il moissonne. Opération d’alchimiste : il change le
sable du sablier en poudre d’escampette… Au tic-tac de l’horloge, le voyageur
répond par le martèlement de sa semelle. Un kilomètre abattu, c’est dix minutes
gagnées. La marche à pied oppose au rouleau du temps la mesure de l’espace. De
cette lutte, le voyageur sort vainqueur. Qui aura arpenté le monde à l’aide de
sa seule énergie explorera une autre dimension du temps : plus épaisse,
plus dense… »
« Pour échapper à la course déclinante que nos
âmes sur la Terre mènent contre la montre, rien ne vaut de se déplacer
lentement, pas à pas. Baissons l’allure et le temps lui-même, par un étrange
effet d’imitation, ralentira son débit. »
dans Libération (édition du 28/12/2016) :
" La marche dissipe les nuages noirs...
Traverser les forêts rend très sensible au merveilleux de la nature. Il faudrait prescrire à tous les accidentés la marche dans la nature avec nuits à la belle étoile. "